WeTransfer et l’IA : Quand les CGU deviennent un piège à créateurs.

Ou comment une clause discrète a failli transformer vos fichiers en carburant pour intelligence artificielle


Imaginez la scène : Vous envoyez innocemment vos créations via WeTransfer, comme des millions de créatifs le font chaque jour. Sauf que dans l’ombre, une petite clause des CGU vient de donner le droit à la plateforme d’utiliser vos œuvres pour entraîner des IA.

Science-fiction ? Pas du tout. C’est exactement ce qui s’est passé fin juin 2025. Et si la communauté créative n’avait pas réagi avec la force d’un tsunami numérique, on serait probablement encore en train de nourrir les algorithmes sans le savoir.

Bienvenue dans l’ère où les CGU deviennent des contrats de cession de droits déguisés. Une époque où envoyer un fichier peut revenir à signer un chèque en blanc à l’industrie de l’IA.

Alors, que s’est-il vraiment passé ? Comment se protéger ? Et surtout, pourquoi cette affaire révèle un problème bien plus profond que WeTransfer ?

Décryptage sans filtre d’une polémique qui concerne (presque) tout le monde.


Ce qui s’est vraiment passé (chronologie d’un bad buzz)

Acte I : La clause discrète (fin juin 2025)

Le crime : WeTransfer glisse subtilement une nouvelle clause 6.3 dans ses CGU. Rien de spectaculaire en apparence, juste quelques lignes juridiques noyées dans un pavé que personne ne lit jamais.

Le contenu de cette clause : En gros, WeTransfer s’accordait le droit d’utiliser vos fichiers pour « améliorer ses services » avec des termes suffisamment flous pour inclure l’entraînement d’IA. Plus précisément :

  • Licence perpétuelle, mondiale, transférable
  • Droit de reproduire, modifier, distribuer
  • Aucune compensation prévue
  • Aucune limite claire d’usage

Traduction en français : « On fait ce qu’on veut avec vos créations, pour toujours, partout dans le monde, et on peut même refiler ces droits à d’autres. Ah, et vous ne toucherez rien. »

Acte II : L’explosion créative (début juillet 2025)

La communauté se réveille. Des particuliers mais aussi des illustrateurs, vidéastes, photographes, voix-off,… Tous réalisent qu’ils ont potentiellement nourri des IA sans le savoir.

Les réactions :

Le message des créatifs : « Nos œuvres ne sont pas votre carburant gratuit pour IA ! »

  • Les réseaux sociaux explosent de témoignages indignés
  • Appels au boycott massifs sur Reddit
  • LinkedIn devient un champ de bataille entre défenseurs et détracteurs
  • Alternatives à WeTransfer trending dans tous les sens

Acte III : Le rétro-pédalage express (15-16 juillet 2025)

WeTransfer panique. Face à la levée de boucliers, l’entreprise publie un « éclaircissement » officiel en mode damage control :

✅ Suppression de toute mention d’IA/machine learning
✅ Clarification : aucune utilisation pour entraîner des IA
✅ Nouvelle formulation : licence uniquement pour le fonctionnement du service
✅ Promesse : pas de revente à des tiers

Le message de WeTransfer : « Oups, malentendu ! On n’avait jamais l’intention de faire ça ! »

Acte IV : La confiance brisée (aujourd’hui)

Problème : Une fois la confiance entamée, difficile de la récupérer. Beaucoup d’utilisateurs restent sceptiques et ont déjà migré vers d’autres solutions.

La question qui fâche : Si ce n’était pas prévu, pourquoi avoir écrit une clause si large et ambiguë ?


Pourquoi cette affaire révèle un problème systémique

Le langage juridique comme écran de fumée

La technique : Utiliser des termes volontairement larges et techniques pour masquer les vraies intentions.

Exemples de formulations toxiques :

  • « Amélioration des services » (peut inclure tout et n’importe quoi)
  • « Licence perpétuelle mondiale » (vos droits partent pour toujours)
  • « Reproduction, modification, distribution » (ils font ce qu’ils veulent)

Pourquoi c’est vicieux : 90% des utilisateurs ne comprennent pas ces termes juridiques. C’est exactement le but.

L’épidémie des clauses IA

WeTransfer n’est pas un cas isolé. C’est devenu une tendance lourde :

  • Adobe a tenté le coup avec Photoshop
  • Zoom avait une clause similaire (supprimée après polémique)
  • Slack idem
  • Dropbox avait testé en 2023

Le pattern : Introduire discrètement → Attendre que ça passe → Si ça explose, faire le rétro-pédalage → Recommencer ailleurs

La course à l’or des données créatives

Pourquoi tant d’acharnement ? Parce que les données créatives, c’est l’or noir de l’IA générative.

Une illustration = des milliers d’euros de valeur pour entraîner Midjourney, DALL-E ou Stable Diffusion. Sauf que cette valeur, les créateurs ne la touchent jamais.

Le business model : Récupérer gratuitement → Monétiser massivement → Garder tous les profits


Les vrais risques pour les créateurs (au-delà de WeTransfer)

Perte de contrôle sur ses œuvres

Scénario cauchemar : Vos créations servent à entraîner une IA qui va ensuite concurrencer… votre propre travail.

Exemple concret : Vous êtes illustrateur, vous envoyez vos dessins via une plateforme. Cette plateforme entraîne une IA avec vos styles. Demain, vos clients utilisent cette IA pour créer « dans votre style » sans vous payer.

Exploitation commerciale sans compensation

Le principe : Vos œuvres génèrent des millions de revenus pour des entreprises d’IA, vous ne touchez rien.

L’injustice : Les plateformes font du profit sur votre dos, les entreprises d’IA font du profit sur votre dos, vous continuez à travailler gratuitement.

Dilution de votre unicité créative

Le danger : Plus vos créations nourrissent d’IA, plus votre style devient « commun » et reproductible par tous.

Impact business : Votre valeur ajoutée s’érode. Pourquoi payer un créateur quand une IA fait « pareil » ?


Comment se protéger (guide de survie numérique)

1. Lire les CGU (oui, vraiment)

Je sais, c’est chiant. Mais c’est devenu vital. Focus sur ces sections :

✅ « Propriété intellectuelle »
✅ « Licence d’utilisation »
✅ « Amélioration des services »
✅ Toute mention d’IA/ML/algorithmes

Astuce Myapptitude : Utilisez ChatGPT pour résumer les CGU. Prompt : « Résume-moi cette clause en français simple et dis-moi quels droits je cède. »

2. Chiffrer systématiquement vos fichiers sensibles

Le principe : Même si la plateforme récupère votre fichier, elle ne peut pas l’exploiter s’il est chiffré.

Outils recommandés :

  • 7-Zip (gratuit, efficace)
  • AxCrypt (interface simple)
  • VeraCrypt (paranoia mode ON)
  • Zip natif avec mot de passe (basique mais mieux que rien)

3. Migrer vers des alternatives transparentes

Exit WeTransfer, bonjour la transparence :

Solutions européennes :

  • SwissTransfer (Suisse et donc européen et RGPD friendly) – Le meilleur choix d’après nous !
  • Smash (français, clair sur l’usage des données) – L’alternative simple.

Solutions self-hosted :

  • Nextcloud (vous contrôlez tout)
  • ownCloud (alternative à Nextcloud)
  • Seafile (focus collaboration mais uniquement en anglais)

Solutions business :


Stratégies par type de créateur

Illustrateurs/Graphistes

Risques spécifiques : Style facilement reproductible par IA

Protections renforcées :

  • Portfolio en low-resolution uniquement en ligne
  • Watermarks créatifs intégrés au design
  • Signature numérique dans chaque fichier
  • Versions clients livrées hors plateformes de partage

Photographes

Risques spécifiques : Banques d’images automatisées, style signature

Protections renforcées :

  • Métadonnées renforcées (copyright, contact)
  • Géolocalisation supprimée des versions partagées
  • Résolution limitée pour les aperçus
  • Contrats clients très stricts sur l’usage IA

Vidéastes/Motion Designers

Risques spécifiques : Extraction de frames, analyse de mouvement

Protections renforcées :

  • Versions de travail jamais partagées sur plateformes
  • Watermarks animés non supprimables
  • Livraison directe client ou serveurs privés
  • Clauses contractuelles sur l’usage IA renforcées

Créateurs de contenu/Rédacteurs

Risques spécifiques : Style d’écriture, tonalité, structure

Protections renforcées :

  • Pas de partage de textes complets en ligne
  • Version PDF protégée uniquement
  • Signature stylistique subtile mais constante
  • Limitation de l’usage dans les contrats clients

Ce que les entreprises doivent comprendre

La transparence devient un avantage concurrentiel

Les utilisateurs apprennent. Ils deviennent méfiants et privilégient les services transparents sur l’usage de leurs données.

Nouvelles attentes :

  • CGU en français simple
  • Opt-in explicite pour tout usage IA
  • Transparence totale sur les partenariats
  • Droit de suppression effectif

L’éthique IA comme différenciateur

Positionnement gagnant : « Nous respectons la propriété intellectuelle de nos utilisateurs »


Les signaux d’alarme à surveiller dans les CGU

Formulations toxiques

❌ « Amélioration des services » (trop vague)
❌ « Licence perpétuelle mondiale » (vos droits partent pour toujours)
❌ « Reproduction, modification, distribution » (ils font ce qu’ils veulent)
❌ « Sublicenciable » (en plus d’être le mot le plus imprononçable du dictionnaire : ils peuvent revendre vos droits)
❌ « À des fins de recherche et développement » (IA déguisée mais mal déguisée)

Formulations acceptables

✅ « Stockage temporaire nécessaire au service demandé »
✅ « Licence limitée au fonctionnement technique »
✅ « Aucune utilisation commerciale de vos contenus »
✅ « Suppression automatique après expiration »
✅ « Aucun partage avec des tiers »


L’après-WeTransfer : vers un internet plus éthique ?

L’émergence d’une conscience collective

Cette polémique marque un tournant. Les créateurs prennent conscience de la valeur de leurs données et exigent d’en garder le contrôle.

Mouvements en cours :

  • Boycotts organisés des plateformes abusives
  • Développement d’alternatives éthiques
  • Lobbying pour une régulation renforcée
  • Éducation massive sur les droits numériques

Les régulations arrivent

L’UE prépare l’AI Act 2.0 avec des dispositions sur l’usage des œuvres créatives pour l’IA.

Projets de loi :

  • Opt-in obligatoire pour l’usage IA
  • Compensation des créateurs
  • Droit à l’oubli algorithmique
  • Traçabilité des données d’entraînement

L’opportunité pour les entreprises éthiques

Les entreprises qui respectent les créateurs prennent de l’avance :

  • Confiance utilisateur renforcée
  • Différenciation concurrentielle claire
  • Anticipation des régulations
  • Partenariats créateurs facilités

Votre plan d’action immédiat

Cette semaine

  1. Auditez vos outils actuels de partage de fichiers
  2. Lisez les CGU des services que vous utilisez le plus
  3. Identifiez les clauses problématiques sur l’IA
  4. Testez une alternative transparente

Ce mois-ci

  1. Migrez vers des solutions éthiques
  2. Mettez en place le chiffrement systématique
  3. Révisez vos contrats clients avec clauses IA
  4. Sensibilisez votre réseau professionnel

Ces 3 prochains mois

  1. Développez votre stratégie de protection IP
  2. Participez aux mouvements de défense des créateurs
  3. Surveillez l’évolution réglementaire
  4. Adaptez vos pratiques aux nouvelles normes éthiques

Le mot de la fin : Votre créativité n’est pas un carburant gratuit

L’affaire WeTransfer nous rappelle une vérité fondamentale : Dans l’économie numérique, vos créations ont de la valeur. Une valeur énorme. Et cette valeur, c’est VOUS qui devez la contrôler.

Les plateformes qui respectent cette valeur prospéreront. Celles qui tentent de l’exploiter en catimini finiront par perdre leurs utilisateurs.

Nous sommes à un tournant. Soit nous acceptons que nos œuvres nourrissent gratuitement les IA des géants tech, soit nous reprenons le contrôle de nos créations.

Chez Myapptitude, le choix est fait : Nous accompagnons les créateurs et entreprises vers des solutions numériques éthiques qui respectent la propriété intellectuelle.

Parce que votre talent mérite mieux qu’un contrat de cession déguisé en CGU.


Besoin d’aide pour sécuriser votre présence numérique et protéger vos créations ? Discutons de stratégies digitales qui respectent votre propriété intellectuelle.

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